Le Pr Ahmed Bouda, recteur de l’Université de Tizi-Ouzou, à Horizons : «Il ne faut pas se contenter de former»
La rentrée universitaire verra le retour à l’enseignement en présentiel et des modifications ont été adoptées pour renforcer le processus de numérisation et valoriser la recherche scientifique. Dans cet entretien, le Pr Ahmed Bouda, recteur de l’Université Mouloud-Mammeri de Tizi-Ouzou, explique, en détail, les mesures
prises pour améliorer la qualité de la formation, la nécessité d’une coopération universitaire avec le monde socio-économique et le classement des universités algériennes.
Quelles sont les mesures prises, à votre niveau, pour assurer la réussite de la rentrée universitaire?
Toutes les mesures nécessaires pour une reprise de l’enseignement universitaire dans de bonnes conditions ont été prises. L’accent sera, néanmoins, mis cette année sur l’innovation et la conception des projets innovants à même de contribuer au développement du pays.
L’Université doit, désormais, préparer ses étudiants à l’exercice professionnel et ne peut plus se contenter de former. Elle doit orienter sa formation sur la base des besoins qui se manifestent sur le marché du travail. L’Université doit se rapprocher du monde socio-économique, établir une large coopération et apporter sa contribution entant que locomotive du développement et de la création de richesse. La rentrée est caractérisée, par ailleurs, par le renforcement du processus de numérisation dans l’ensemble des universités. Il s’agit de valoriser la recherche scientifique universitaire en exploitant toutes les capacités numériques. Presque tout se fait, aujourd’hui, par voie numérique, un outil de gestion et d’évaluation du progrès de chaque établissement.
L’amélioration de la qualité de la formation passe par le renforcement de l’encadrement pédagogique. Comment comptez-vous procéder?
Nous avons fixé des objectifs pour assurer une formation de qualité et qui soit en adéquation avec les besoins du marché du travail. Et ce, parallèlement à une activité de recherche innovante à même d’avoir un impact socio-économique au niveau local et national. Nous avons, dans cette perspective, pris la décision de lancer beaucoup plus tôt l’opération de recrutement des maîtres assistants qui se fait habituellement très tardivement.
Nous sommes parmi les premières universités à l’échelle nationale à avoir bouclé l’opération de recrutement, notamment dans les filières où il y a peu de candidats. Ce qui nous a permis d’identifier les compétences et de recruter de la qualité. Ce qui n’aurait pas été possible sans la mise en place d’une nouvelle réorganisation qui devrait nous permettre d’aller vers la performance. C’est une bonne chose pour l’Université Mouloud-Mammeri qui a connu par le passé beaucoup de problèmes.
Le recrutement des diplômés universitaires est en tête des priorités du ministère de l’Enseignement supérieur. Comment comptez-vous rapprocher vos diplômés du monde socio-économique ?
Pour assurer à nos diplômés une transition efficace, nous avons signé plusieurs conventions avec des entreprises et d’autres sont en cours d’achèvement. Ce qui permettra à nos étudiants de fin de cycle de faire leur stage pratique, côtoyer le monde économique et acquérir une certaine expérience professionnelle à même de les aider à s’insérer plus facilement dans le marché du travail. Cette politique pourrait nous aider à réorienter notre recherche scientifique qui doit désormais répondre aux besoins réels des entreprises et apporter des solutions économiques selon le principe gagnant-gagnant, puisque l’Université comme un système de production a besoin d’être plus visible et plus rentable pour les entreprises et l’économie nationale.
Les bacheliers arrivent, aujourd’hui, en masse dans nos universités. Mais qu’en est-il de leur niveau ?
Nous avons chaque année d’excellents bacheliers, sachant qu’ils sont classés par moyenne. Pour preuve, les étudiants algériens qui sont inscrits dans les universités à l’étranger ne trouvent aucune difficulté à suivre leurs études et à trouver des postes d’emploi dans les plus grandes entreprises. C’est une preuve qu’il y a de la qualité qui répond aux critères d’admission spécifiques aux programmes de formation dispensés dans de grandes universités.
Nos universités éprouvent des difficultés à se classer dans les palmarès mondiaux. Pourquoi, à votre avis ?
C’est ce qui se dit. Mais il faut comprendre qu’il existe des classements prestigieux, comme le Times Higher Education World University Rankings et Quacquarelli Symonds – QS, réalisé par des Britanniques. Dans ce classement, les universités algériennes figurent parmi les 1.000 meilleurs établissements dans le monde sur les 32.000 que comptabilise cette étude. Notre classement n’est pas si mauvais, comme le prétendent certains. Durant ces vingt dernières années, l’enseignement supérieur a fait beaucoup de progrès dans le domaine de la recherche scientifique à la faveur des agréments attribués à plusieurs laboratoires de recherche. Des moyens ont été mis à leur disposition pour accomplir dans les meilleures conditions leurs missions qui consistent, entre autres, à former pour s’ouvrir davantage sur l’environnement économique et social de l’Université. Mais, aussi, à réaliser des études et des travaux de recherche et élaborer des programmes nationaux de recherche. Les résultats sont palpables sur le terrain puisque nos universités publient régulièrement des articles scientifiques dans des revues de renommée internationale.
La recherche scientifique demeure, pourtant, le parent pauvre de nos universités. Pour quelle raison ?
La recherche scientifique est le point faible de nos établissements, car jusqu’à présent, celle-ci a été orientée vers la formation de docteurs et peu tournée vers le développement de projets innovants. Nous sommes dans un tournant décisif où nous devons consentir plus d’efforts pour réorienter nos travaux de recherche vers l’innovation et permettre à nos entreprises de profiter de nos compétences. Il est impératif de pousser nos universités à réfléchir et à fonctionner selon un principe économique pour contribuer à la relance et créer de l’emploi sans abandonner le volet recherche-formation.
Qu’en est-t-il des conditions d’hygiène et d’hébergement ?
C’est un volet qui concerne les œuvres universitaires, chargées de suivre les opérations de réhabilitation des résidences universitaires et d’élaborer un protocole opérationnel d’hygiène. L’Université de Tizi-Ouzou est passée par un contexte difficile qui l’a complètement déstructurée et fait fuir beaucoup d’universitaires. Il a fallu changer complètement de mode de gouvernance et mettre en place des conditions plus favorables pour inciter les compétences à s’engager dans de nouveaux projets de recherche. Le problème d’insécurité a été définitivement pris en charge et de nouveaux moyens nécessaires à la fois à la pédagogie et à la recherche ont été acquis. L’Université commence à retrouver son prestige.
L’importance de l’anglais dans le domaine scientifique n’est plus à démontrer. Quel sera l’impact de son enseignement dès le primaire ?
L’anglais est la langue scientifique par excellence. Universitaires, nous devons absolument la maîtriser pour pouvoir nous imprégner de la littérature scientifique écrite le plus souvent en anglais. Sa maîtrise est aussi la condition sine qua non pour toute publication universitaire dans les revues scientifiques internationales. Si son enseignement est pris en charge dés le primaire, c’est encore mieux. Cela permettra aux futurs étudiants d’en avoir une maîtrise parfaite.
Entretien réalisé par Assia Boucetta, Horizons.