Journées d’étude doctorales organisées dans le cadre du « Projet de Recherche et de Formation Universitaire » (PRFU)
L’Altérité au carrefour des disciplines
28 et 29 septembre 2022
Argumentaire
Alteritas en latin signifie différence, une différence entre le Même et l’Autre. Or, l’Autre incarne tout ce que le Même n’est pas dans sa radicalité la plus irréductible qui soit, à savoir sa culture, sa marginalité, sa féminité, sa corporalité, sa langue, … Si l’Autre chez les Grecs est le « barbare » qui ne parle pas la langue hellénique, de nos jours, cet Autre peut prendre différentes postures : un migrant vs un autochtone, un Occidental vs un musulman, une voilé vs non-voilé, … Politiquement, on est considéré comme Autre dès lors qu’on se situe dans une dynamique d’opposition à celui qui incarne le pouvoir, le dominant ; on est Autre dès lors que l’on s’oppose à la politique adoptée par un parti ou un autre.
L’homme a œuvré depuis l’humanisme universel à faire décroître les distances réelles ou virtuelles qui séparent le même et l’Autre. Il a également combattu le discours sur l’Autre réduit à une entité conceptuelle, à un objet dépourvu de parole, réduit à un être « incapable de se représenter lui-même ».
Or, cette entreprise s’avère infertile de nos jours, l’homme déconsidère son prochain et la littérature de l’absurde regorge d’exemples l’illustrant. L’Homme a montré qu’au-delà de la matière point de salut. Il vénère ses acquis qu’il ne voudra nullement partager. Les acquis prennent des proportions et des formes diverses : un pouvoir, un territoire, la parole, l’eau, le pétrole, … L’homme est toujours l’Autre pour autrui, il est étranger et étrange. Il est ce qui n’est pas moi. La violence réelle ou symbolique doit se pratiquer sur lui. Paradoxalement, il est celui qui me permet d’être moi, d’avoir une identité.
La montée de la pensée fondamentaliste notamment l’islamisme radicalisé, dont les créateurs commencent à se faire connaître, témoigne d’une crise qui touche le monde entier, crise vécue au nom de l’hégémonie d’un pôle qui souffre de la peur que l’autre pôle recouvre sa suprématie. Des machinations sont orchestrées diabolisant souvent un Autre considéré comme ennemi à abattre.
La notion de l’Autre prend alors aujourd’hui des significations différentes, significations auxquelles le contexte actuel ne peut être étranger. Les disciplines différentes, la philosophie, la sociologie, l’histoire, l’anthropologie, la psychanalyse, la linguistique,… se penchent sur cette notion pour tenter de trouver un sens à un monde désarticulé, au désordre du monde. Le désordre est tel que l’enseignement, la didactique, la traduction mettent en œuvre des mécanismes à même de rapprocher le Même de l’Autre, entreprise qui peine à atteindre des objectifs puisque chaque système ne peut se construire qu’en diabolisant l’Autre tout en se valorisant et en valorisant ceux qui partagent la même optique. Le livre scolaire ne devient plus un outil de diffusion de savoir mais le lieu par excellence de la lutte entre le Même et l’Autre : Homme/femme, Occident / Orient, Musulman, /Chrétien/ Juif,….
Nous nous proposons, à travers ces journées d’étude doctorale, de nous interroger sur la notion d’Altérité au carrefour des mutations régissant le monde actuel, un monde qui vit un regain de violence à tous les niveaux parce que le Même voit l’Autre comme non seulement étranger mais comme étrange, un monde où au nom des intérêts mercantilistes, on mène des guerres (réelles ou symboliques) auxquelles on cherche des solutions pour faire valoir le syndrome de l’héroïsation cher à certains dirigeants.
Hormis les points évoqués dans cette présentation, d’autres pistes de réflexions peuvent être proposées par les jeunes chercheurs.
Les axes non exhaustifs sont donc les suivants :
L’expression de l’altérité dans le roman algérien contemporain.
L’ailleurs comme dimension géographique de l’altérité.
Altérité et hybridité ; la question identitaire du soi à l’autre et à travers l’autre.
Voyage et altérité ; rencontres et confrontations.
L’altérité entre sentiment de distinction et sentiment d’appartenance
La différence est-elle une construction politique ou une réalité culturelle ?
Quête de soi et repli identitaire : enjeux historiques.
L’œuvre littéraire entre l’identité et l’ouverture à l’Autre.
L’altérité dans l’œuvre théâtrale
L’altérité au prisme de la géocritique.
L’identité migratoire comme une forme d’altérité
L’identité et l’altérité dans le discours artistique
L’altérité provocatrice de la violence sous des différentes formes
L’Autre dans le parler urbain pour une perspective sociolinguistique
L’identité et l’altérité dans les processus de dénomination
L’identité et l’altérité dans le discours publicitaire.
Construction identitaire et altérité en contexte plurilingue
L’altérité au service de la pragmatique
Autrui et les interactions verbales.
L’enseignement / apprentissage de la langue de l’Autre et l’autre langue : comme manières d’appréhender, de comprendre et de vivre avec l’Autre.
La question de l’altérité et les échanges interculturels en classe de langue.
L’altérité en classe de langue ;
L’altérité et l’approche interculturelle ;
L’Autre comme individu et l’Autre comme langue ;
L’apport de l’altérité en classe de FLE.
Bibliographie
1. AMOSSY Ruth et Anne HERSCHBERG-PIEROT, Stéréotypes et clichés, Paris, Nathan, 1997.
2. AMOSSY Ruth, Les idées reçues. Sémiologie du stéréotype, Paris, Nathan, 1999.
3. DELEUZE Giles et GUATTARI Félix, Mille plateaux, Minuit, Paris, 1980.
4. GOHARD-RADENKOVIK Aline, Altérité et identité dans les littératures de langue française, Le Français dans le monde, Paris, 2004.
5. JULLIEN François, L’Ecart et l’entre, leçon inaugurale de la chaire sur l’altérité, Paris, Galilée, 2012.
6. LEVINAS Emmanuel, Altérité et transcendance, Montpellier, Fata Morgana, 1995.
7. LEVINAS Emmanuel, Le Temps et l’Autre, Montpellier, Fata Morgana, 1980.
8. MERLEAU-PONTY Maurice, Phénoménologie de la perception, Gallimard, Paris, 1945.
9. PLATON, La République, trad.R. Baccou, Paris, Flammarion, 1966.
10. RICŒUR Paul, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990.
11. KAUFMANN Jean-Claude, L’Invention de soi, une théorie de l’identité, Armand Colin, Paris, 2004.
12. MORIN Edgard, La Méthode 5 : L’humanité de l’humanité, Seuil, Paris, 2001.
13. WIEVIORKA Michel, « Identités culturelles, démocratie et mondialisation » in Identité(s); l’individu, le groupe, la société, coordonné par Catherine Alpern, édition sciences humaines, Paris, 2009.
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